Pour être éligible aux principes du MDP, les projets doivent présenter des bénéfices réels, mesurables et additionnels en matière de réduction d'émissions et contribuer au développement durable du pays hôte. De son côté, le pays d'accueil doit avoir ratifié le protocole de Kyoto et s'être engagé volontairement sur des réductions d'émissions. Il doit également donner son accord pour le développement de tels projets et mettre en place une Autorité Nationale Désignée (AND) pour administrer localement les projets.
Depuis l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto en 2005, les MDP ont représenté plus de 8 milliards de dollars d'investissements : 5,4 en 2006 contre 2,9 en 2005. Plus de 70% des projets ont été menés dans les secteurs de l'énergie (50%) et des déchets (20%). Mais ces investissements ont été inégalement répartis au sein des pays émergents. Ainsi, sur les 850 projets validés, 518 ont été développés en Asie principalement en Inde (289) et en Chine (131). 302 ont été enregistrés en Amérique centrale et latine dont 97 au Mexique et 113 au Brésil. L'Afrique ne compte que 23 projets pour l'instant dont 12 en Afrique du Sud.
Cette situation est le résultat de plusieurs facteurs. Selon le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), le marché africain a démarré tardivement par rapport aux autres régions du monde, la capacité des développeurs de projets locaux est réduite, le prix moyen de la tonne de CO2 économisée atteint à peine les 9$ soit 25% de moins que dans les autres régions et au final peu d'investisseurs étrangers se sont implantés avec succès. Le PNUE estime même que globalement l'outil MDP n'est pas adapté aux conditions africaines. Alors que le marché MDP est plus orienté vers les processus industriels et énergétiques, l'Afrique constitue un marché innovant surtout en matière de reforestation et d'agriculture. Les investisseurs portent plus d'intérêt au projet qui rapporte rapidement de nombreux crédits carbone. Les projets de petite taille ou de long terme n'ont de ce fait que très peu de succès.
Un rapport du World Business Council for Sustainable Development, WBSCD publié le 3 décembre dernier constate également que, même si le MDP a réussi à apporter des technologies énergétiques propres à certains pays en développement, des centaines de projets ont été interrompus dès le début, étant donné la lenteur des procédures d'autorisation, l'incertitude concernant les résultats commerciaux et des inquiétudes liées aux violations de la propriété intellectuelle.
Par ailleurs, d'autres soucis plus généraux ont été soulevés par certaines ONG qui mettent en évidence des situations contradictoires qui poussent à s'interroger sur la qualité environnementale de certains projets. Selon le Réseau-Action-Climat (RAC), il en va ainsi de l'éligibilité des projets de destruction du HFC 23. Ce puissant gaz à effet de serre est produit lors de la production du HCFC 22, gaz de substitution aux CFC mais destructeur de la couche d'ozone. Au titre du MDP, la destruction du HFC 23 lors de la production du HCFC 22 permet d'obtenir des crédits. L'activité est tellement lucrative qu'elle conduit à l'effet pervers d'inciter à produire plus de HCFC 22 dans l'optique de recevoir davantage de crédits MDP pour la destruction du HFC 23, explique le RAC. Les ONG déplorent ainsi que l'éligibilité de certains « mauvais projets », moins chers à mettre en œuvre, fait que les « bons projets » ne retiennent pas beaucoup l'attention. Sur 763 projets enregistrés, environ 25% concernent les énergies renouvelables, et un peu plus de 1% l'efficacité énergétique, souligne le RAC. Pour Serge Orru, Directeur Général du WWF-France, les lacunes du MDP bénéficient à ceux qui développent ces mauvais projets, mais aussi aux pays industrialisés. Au final, le grand perdant c'est le climat.
Tous ces dysfonctionnements sont en cours de discussion à l'occasion de la conférence internationale de Bali. Pour Yvo de Boer, le secrétaire général de l'UNFCCC, il est grand temps que les avantages de ce mécanisme important du protocole de Kyoto [MDP] soient étendus à l'Afrique. À l'occasion de la conférence de Nairobi de novembre 2006, Kofi Annan, le secrétaire général des Nations Unies de l'époque, avait déjà présenté un Plan cadre visant à renforcer les capacités et les infrastructures des pays émergents afin qu'ils puissent accéder aux projets MDP. Ce plan cadre commence à porter ses fruits puisque selon Konrad von Ritter de la Banque Mondiale, il y a eu un accroissement notable des capacités de développement ayant pour résultat 30 projets MDP en cours de validation. Bien que nous soyons positifs, nous savons que d'avantage doit être fait, a-t-il ajouté.
Le PNUE évoque quelques pistes afin de faciliter la mise en œuvre des MDP en Afrique : établissement de nouvelles procédures notamment sur les projets forestiers, simplification des procédures pour les projets de petite échelle ou possibilité de les regrouper. Il est également envisagé la création d'un fonds pour le transfert des technologies qui devrait être alimenté par les pays industrialisés et dans lequel les pays en développement pourraient puiser pour financer des projets de technologies énergétiques propres ou pour acheter des brevets.
Enfin, la question des droits de propriété intellectuelle (DPI) concernant les technologies favorables au climat est également essentielle. Ces droits ont tendance à augmenter le coût de ces technologies et empêchent leur développement dans les pays émergents. Toute la difficulté réside dans la définition d'un compromis entre droits de propriété intellectuelle et protection du climat.